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24 novembre 2022

Zoom sur « Réussir son retour à l’emploi » en partenariat avec Espace Projet : une action PLIE pour développer l’employabilité des séniors

« Les séniors sont dans une étape de transition entre l’ancien emploi et le futur projet professionnel qui passe par un travail psychique et identitaire. »
Nathalie Jevelot, psychologue du travail et formatrice à Espace Projet retrace les moments clés de l’action et partage son regard sur les préoccupations spécifiques au public senior.

En quoi consiste l’action Réussir son Retour à l’Emploi ?

« Réussir son retour à l’emploi » associe le travail et les compétences, d’une psychologue du travail, de deux comédiens et d’une sophrologue durant 5 semaines.

Les objectifs sont de permettre aux participants :
• De retrouver une confiance en soi,
• De se mobiliser sur l’emploi,
• De rompre l’isolement
• De se projeter professionnellement et personnellement.

Nous nous inscrivons dans une action de remobilisation d’un public sénior, éloigné de l’emploi, depuis plus d’un an, parfois jusqu’à dix ans et plus. Les participants sont dans une étape de transition entre l’ancien emploi et le futur projet professionnel. Cette phase d’élaboration, de construction, de projection vers un nouvel emploi implique un travail psychique et identitaire. La perte de l’emploi, du travail est chargée émotionnellement, elle vient bousculer les projets élaborés jusque-là, elle vient rompre un équilibre social, identitaire, elle vient questionner les valeurs et les compétences.

Le programme de l’action comprend un module transversal visant l’élaboration d’un projet professionnel de fin de carrière ou d’une stratégie de retour à l’emploi dans l’attente de l’accès à la retraite.

Réfléchir à son nouveau positionnement professionnel est une façon d’interroger son parcours, sa vie, de faire un bilan, de rompre avec un positionnement ancien. Cette phase de questionnement génère souvent des émotions négatives telles que l’angoisse ou le doute sur la capacité à s’engager dans quelque chose de nouveau, à acquérir de nouvelles compétences, ou bien encore à se retrouver « débutant » alors que l’on était un professionnel confirmé.

Deux modules spécifiques viennent compléter le programme :
• Une thématique sur la gestion du stress avec une sophrologue.
Cet atelier est particulièrement intéressant dans la mesure où il permet un temps pour se centrer sur soi, travailler le lâcher prise, être à l’écoute de ses émotions, les décoder, retrouver de l’énergie dans cette phase de transformation identitaire.
• Utiliser les techniques théâtrales pour mieux communiquer, travailler sur sa posture, l’image donnée. Il s’agit par cet atelier de s’approprier un discours sur soi, raconter son histoire, celle que l’on a pu construire par la prise de recul sur son parcours. Par les techniques théâtrales, il s’agit également de travailler sur ses émotions, les apprivoiser pour gérer au mieux les relations interpersonnelles.

Deux temps d’information par des techniciens ont également lieu :
La CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail) pour une information globale dans un premier temps sur la retraite, suivi d’un entretien individuel en fonctions des besoins des personnes (3 heures).
La CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) pour une information sur le bilan de santé, la couverture santé (3 heures).

L’action cible les publics de plus de 45 ans, y a-t-il une différence dans la façon d’accompagner par rapport à d’autres tranches d’âge ? Pourquoi ?

Selon moi l’accompagnement des plus de 45 ans repose sur une prise en compte de la situation globale de la personne, d’où la spécificité de cette action.
Il s’agit de personnes qui ont eu des parcours plus ou moins linéaires, qui ont été experts dans leurs domaines, qui parfois n’ont jamais eu à mener une recherche d’emploi passant par de nombreuses candidatures, des entretiens, qui se sentent « perdus », parfois sans comprendre les règles à détenir les informations nécessaires à leur recherche d’emploi.
Ils peuvent rencontrer des problématiques de santé liées à l’âge (diabète, problématique cardiaque…) ou à une usure physique professionnelle (troubles musculo squelettiques).
Ils peuvent également être soutiens de deux générations, avec des enfants en approche d’études supérieures, en questionnement sur leur orientation par exemple, et soutien aux parents pouvant souffrir de problématiques liées au grand âge.
Ils sont également victimes de discrimination et très souvent d’auto discrimination.
Le questionnement sur le sens du travail, sur les valeurs est un point important de la réflexion. Quel sens donner à cette suite de parcours ? Quelle place pour soi ? Que cherche-t-on à satisfaire sur le plan personnel et professionnel ?
Le temps d’information sur le droit à la retraite est généralement un moment clé car il permet de se positionner plus précisément lorsque la durée de travail est plus longue que prévue par exemple.

Au-delà du contenu, la posture des intervenants est importante :
• Posture de collaboration et de co-construction de chacune des séances. Un déroulé pédagogique sert de fil conducteur, tout en laissant de l’espace aux échanges d’information, tout en permettant à chacun de jouer un rôle, de prendre une place dans le groupe, de trouver une valorisation et d’être acteur.
• Bienveillance des intervenants qui crée un espace de parole, de partage des expériences et des émotions

Observez-vous des changements pour les participants de cette action ? Lesquels ?

C’est une action qui a un impact important sur la prise de confiance, la construction du projet ou du positionnement professionnel et la construction du discours sur soi et son projet.

Le collectif est nécessaire pour engager, catalyser ces changements :
• Le collectif est le lieu de reconnaissance de soi par l’autre. Ce groupe de pairs permet de partager son quotidien, d’exprimer ses inquiétudes, ses expériences, de questionner son parcours, de « tester » son discours et de retrouver une temporalité sociale, des horaires, un rythme….
• Le collectif occupe une place majeure lors du travail sur l’analyse des compétences : il est un lieu de valorisation de l’expérience, de l’identité professionnelle, des ressources. Le regard sur les compétences est étroitement lié au regard porté sur les expériences précédentes. Une dernière expérience négative, un rejet du dernier emploi rend souvent difficile l’accès aux compétences. Un affect négatif conduit à minimiser le regard sur les compétences. Un regard positif de la part du groupe, des paroles rassurantes, permettent une relecture du parcours, la création d’un nouveau discours sur soi et son identité professionnelle. Il contribue à l’amélioration de l’estime de soi.
• Le collectif accompagne le deuil de l’ancien emploi. Il permet d’atténuer la peur du futur professionnel, car vécu à plusieurs, avec un partage des émotions, une traduction de celles-ci. Il est facilitateur de l’acceptation du changement.
• Le collectif, lieu d’expériences nouvelles avec les ateliers thématiques : Les ateliers relatifs à la gestion du stress et au théâtre sont des espaces d’expérimentation des émotions. Ils permettent de les décrypter, de les expérimenter pour en faire des forces ou des alliés, d’acquérir des techniques permettant de mieux les gérer dans les situations d’interaction sociale, et plus précisément dans notre contexte lors des rencontres avec les employeurs. Ces mises en danger progressives et sécurisées permettent de reprendre confiance et plaisir dans la relation à l’autre.